
Le 3 novembre lancement à Seythenex de la semaine de commémoration du centenaire de l'Armistice
View 16.1K
words 1.6K read in 8 minutes, 12 Seconds
Devoir de mémoire, hommage aux victimes, reconnaissance, “Mémoire aux sources”... Cette semaine de commémoration a été pensée et mise en oeuvre par une association créée tout spécialement à cet effet, emmenée par son président Christophe Ribes. Elle réunit de très nombreux partenaires, élus, associations, enseignants et élèves, habitants, représentants d'anciens combattants... “Un projet ambitieux qui n'a pas d'égal au niveau national, un territoire qui se mobilise pour proposer un programme complet durant neuf jours, c'est le devoir de mémoire qui animera cette semaine” a déclaré Christophe Ribes, a déclaré Chri- stophe Ribes,
En collaboration avec le Comité transfrontalier 1848-2018 de l’Association Internationale Reine Hélène, sous l'égide des Amis de Viuz-Faverges qui ont organisé la cérémonie, mis en place plusieurs expositions et proposé la projection du film Le grand mémorial du Pays de Faverges, plusieurs temps forts se sont déroulés en présence des élus du territoire, représentants de la Marine, des forces del'ordre et des se- cours, de l'association Militaria Sabaudiae, de la Clique dela Combe d'Ire...
L'un des moments marquants aura été la remise aux deux peti- tes-filles de Maurice Tissot-Dupont du document officiel re- connaissant son statut de “Mort pour la France”. Un diplôme remis par le directeur départemental de l'Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre.
En présence de nombreuses personnalités civiles et militaires est intervenu Michel Duret lors de la prise d’armes.
« Lorsque l’heure de l’armistice arriva le 11 novembre 1918 sur le front nord de la guerre, les combats sur les fronts orientaux et sud du conflit avaient déjà cessé.
Le front bulgare s’était effondré, sanctionné par l’armistice de Thessalonique le 29 septembre, puis ce fut le tour du front oriental avec la signature de l’armistice de Mandros avec l’empire ottoman le 30 octobre. Le 3 novembre, il y a tout juste 100 ans, à cette même heure, les alliés signaient celui de Villa Giusti, près de Padoue, avec l’Autriche-Hongrie, avec cessez- le-feu effectif au lendemain même heure.
Si les armistices signèrent la fin du cauchemar pour des millions d’hommes, des millions d’autres n’eurent pas la chance de vivre et de voir la paix revenant en Europe et dans le monde.
Tués sur les champs de bataille, disparus en mer, décédés des suites de leurs blessures ou de maladies dans les hôpitaux ou chez eux, ou morts par suicide. D’autres encore moururent plus tard de folie, souvent ignorés sinon oubliés dans des hôpitaux psychiatriques. Tous ces morts, ou presque, sont honorés chaque année lors des cérémonies du 11 novembre et seuls leurs noms nous en rappellent le souvenir. Ils sont 251 à être inscrits sur les monuments de nos 10 communes, celui de Faverges comporte également les noms des 20 soldats belges décédés à l’hôpital militaire belge installé au château et qui reposaient jusqu’en 1977 dans le carré militaire du cimetière.
Mais ce nombre ne correspond pas vraiment à la réalité, et cela pour 3 raisons.
La première est que certains noms se retrouvent sur 2 monuments du canton.
La deuxième est que de nombreux soldats morts pour la France et nés dans le canton ont leurs noms inscrits sur les monuments de leurs communes d’adoption, loin de la terre natale.
Et la troisième, la plus problématique, est que 16 autres, natifs ou d’adoption, de notre canton ne sont inscrits nulle part ; aucun monument aux morts ne les rappelle au souvenir de leurs concitoyens.
C’est le travail de recherches mené pendant plusieurs années par les Amis de Viuz-Faverges qui a permis d’en retrouver la trace, comme il a permis de déterminer que 5 autres Belges étaient décédés au château entre 1918 et 1919. Ignorés et oubliés de tous, ils n’ont jamais été honorés lors des appels aux morts comme le sont encore souvent leurs camarades décédés dans les mêmes conditions.
Aujourd’hui, les communes de naissance ou d’adoption de ces 21 soldats ont décidé d’ajouter leurs noms sur des listes qui semblaient déjà bien longues.
Ces soldats sont : Maurice Tissot-Dupont, Jean Louis Constant, Georges Marie Millet, Jean Marie François Prandi, Louis Joseph Burtin, Jules François Dubois, Bernard François Bellon, Eugène Louis Métral, François Carraz, Marius Falcy, Ernest Cohendet, Maurice Monge, Camille Doucet.
Et, pour les Belges, Théophyle Cornélis Hérébosch, Edmond Lobet, Adrien Meenwesen, Gustave Strauven, Arthur Vanderrraost ».
A la suite de cette intervention émouvante et très applaudie, le directeur de l’Office départemental des Anciens Combattant et Victimes de Guerre (ONAC-VG) rappelle l’histoire de Maurice Tissot-Dupont.
« Maurice Tissot-Dupont naît à Saint-Ferréol le 23 septembre 1877, il est fils de Claude Tissot-Dupont et de Françoise Patty. Il est charpentier et est marié depuis le 21 janvier 1910 avec Marie Claudine Truchet. Naissance de sa fille, Jeanne Emilienne, le 4 février 1915.
En 1914, à 37 ans, il est rappelé et arrive au corps le 6 août 1914. Il est renvoyé dans ses foyers le 18 août suivant. Rappelé le 15 mars 1915, il passe au 15ème Régiment d’artillerie puis au 2ème RA le 18 décembre 1915. Il est hospitalisé le 15 décembre 1916 à Grenoble pour troubles trophiques, dépression physique, maladie contractée au cours des opérations de Verdun où il avait été enterré vivant (source familiale).
Réformé par la commission de réforme de Grenoble du 27 octobre 1917 pour « dégénérescence hérédi- taire, présentant de la débilité mentale » et il est rajouté « non imputable au service ».
Incapable de subvenir aux besoins de sa famille, celle-ci se trouve dans une situation financière très grave. Son état mental s’aggravant, il est interné à l’hôpital psychiatrique de Bassens, près de Chambéry. Un document amène encore plus de précisions, il s’agit d’une délibération du conseil municipal d’août 1919.
«M. le Président expose au Conseil que le Sr. Tissot Dupont Maurice Joseph, charpentier à Saint Ferréol, a dû être interné d’office à l’asile d’aliénés de Bassens et invite l’établissement à faire connaître si la famille est en mesure de contribuer aux dépenses d’hospitalisation.
Le Conseil municipal, après en avoir délibéré,
- Considérant d’une part que la famille Tissot Dupont est indigente, secourue par le bureau de bienfaisance, et que, par conséquent, se trouve dans l’impossibilité de contribuer aux dépenses d’hospitalisation de ce malade,
- Considérant d’autre part qu’avant la mobilisation, le Sr Tissot Dupont n’avait jamais donné de signes de troubles mentaux, que son état est certainement dû à l’ébranlement cérébral causé par des opérations de guerre ainsi que le constatent les certificats délivrés par le médecin major lors de l’entrée et de la sortie de ce malade à l’ambulance de St Robert,
En conséquence, le conseil émet l’avis que le Sr Tissot Dupont soit hospitalisé au frais du Ministère de la Guerre ou tout au moins qu’il lui soit accordé une pension qui mette sa famille à l’abri de la misère ». Cette requête semble avoir porté ces fruits puisque le 21 novembre suivant, la commission de réforme de Chambéry déclare qu’il est « réformé n°1 proposé pour une pension temporaire de 100% avec majora- tion de 10% pour débilité mentale ».
C’est la reconnaissance que son décès eut lieu suite à une infirmité due au service étant donnée que la réforme n°1 « n'est prononcée que pour des infirmités dont l'origine est due à un fait de service ».
Il décède le 7 février 1922 à Bassens. Il y est inhumé dans le carré militaire communal, sa famille étant dans l’impossibilité pécuniaire de rapatrier son corps.
Le 17 septembre 1922, alors qu’un dossier est ouvert pour reconnaître sa fille comme pupille de la Nation, sa femme écrit au procureur de la République en indiquant, entre autres :
« J’ai l’honneur de vous exposer que mon mari, Tissot Dupont Maurice Joseph,soldat au 2e Régiment d’artillerie de campagne, étant aux tranchées en 1916, fut enseveli par suite de l’éclatement d’un obus lors d’un bombardement ennemi. Il en résulta une telle commotion qu’à partir de ce jour, il eut des troubles nerveux qui obligèrent l’autorité militaire à l’interner et à le soigner à l’asile Saint Rambert. Les deux certificats d’hôpital que j’ai joints à ma demande de pension porte la mention : maladie contractée aux cours des opérations de guerre... ».
Malgré toutes les démarches entreprises, Maurice Tissot-Dupont ne sera jamais déclaré « Mort pour la France », même si sa femme touchait les allocations dues aux veuves de guerre. Sa famille lui a rendu hommage en lui faisant faire une plaque émaillée commémorative qui était apposée dans l’église.
Dernièrement, sa petite-fille a envoyé une nouvelle demande de reconnaissance de la qualité de « Mort pour la France » de son grand-père. Après examen de la requête qui était accom- pagnée d’un dossier fortement documenté et rassemblé par la très active association Les Amis de Viuz-Faverges, celle-ci a été acceptée par l’ODAC.
En conclusion, Monsieur le Directeur de l’ODAC remet alors le diplôme de « Mort pour la France » à la petite-fille de Maurice Tissot-Dupont.
Source by TRICOLORE_-_Agenzia_Stampa









